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EUGÈNE LE ROY

Eugène Le Roy est né en 1836. Il est fils d’un couple de domestiques du baron Ange Hyacinthe Maxence, baron de Damas, ancien ministre, propriétaire du château d’Hautefort. Leur emploi force ses parents à le placer en nourrice chez une paysanne des environs. Ses souvenirs d’enfance marqueront fortement son œuvre future, dans laquelle abondent les enfants abandonnés, comme dans beaucoup d’autres romans contemporains. Chez George Sand, où les thèmes de la bâtardise, de l’abandon, de l’adultère, des chagrins d’amour, de l’anticléricalisme et de la ‘‘haine’’ des nobles (les faux surtout, comme chez Le Roy) sont aussi récurrents ; chez G. Bruno, alias Augustine Fouillée, qui met en scène deux orphelins dans Le tour de la France par deux enfants ; chez Hector Malot (Sans famille) . L’abandon d’enfants est une réalité sociale indéniable qui devient un des poncifs du romantisme populaire de l’époque.

De 1841 à 1847, il étudie à l’école rurale d’Hautefort à une époque où la majorité des enfants demeurent analphabètes. En 1848, il séjourne à Périgueux, où il fréquente l’École des Frères. Il y retiendra surtout le souvenir de la plantation d’un Arbre de la Liberté pour célébrer l’avènement de la Deuxième République.

En 1851, il refuse le séminaire, et devient commis épicier à Paris ; il fréquente des artisans socialistes et, la rage au cœur, assiste à la mise en place du Second Empire. Nous n’avons en réalité aucune preuve de sa main concernant les socialistes dont il est question ici : ce sont des personnages de ses romans, Le Moulin du Frau par exemple, mais nous n’avons aucune preuve de leur réalité historique. Par contre, ses convictions politiques sont établies dès 1860, date à laquelle il passe le concours de l’administration fiscale.

En 1859, il s’engage dans un régiment de Chasseurs à cheval, et participe aux campagnes d’Algérie, puis d’Italie. Cassé de son grade de brigadier pour indiscipline, il démissionne au bout de 5 ans.

En 1860, il est reçu au concours des Contributions directes, Eugène Le Roy devient alors aide percepteur à Périgueux. En 1870, après la débâcle du Second Empire, il s’engage dans les Francs-tireurs pour combattre l’envahisseur prussien pendant la Guerre franco-allemande. Il répond à l’appel de Gambetta qui sera son modèle en politique. En 1871, une fois la défaite française définitive, il rejoint la perception de Montignac. Il tombe très malade mais guérit seulement au bout d’un an.

Le 14 juin 1877, à la grande indignation de la bonne société, le futur écrivain épouse civilement sa compagne Marie Peyronnet, dont il a déjà un fils de trois ans, reconnu lors de sa naissance le 27 octobre 1874. Son non-conformisme, mais surtout son républicanisme, entraîne sa révocation comme des milliers d’autres fonctionnaires que le gouvernement de Mac-Mahon révoque pour les mêmes causes. Il obtiendra difficilement sa réintégration l’année suivante, pour la bonne raison que Mac-Mahon se maintient au pouvoir jusqu’en 1879. Bientôt, il consacrera la majeure partie de ses loisirs à l’écriture, utilisant les matériaux emmagasinés pendant toute son existence. En 1877, il fait une demande d’admission à la loge maçonnique « Les Amis Persévérants et l’Étoile de Vesone Réunis » à l’Orient de Périgueux. Mais le préfet de la Dordogne a reçu l’ordre du ministre de l’Intérieur, Oscar Bardi de Fourtou, de fermer certaines Loges dont celle-ci. Eugène Le Roy n’est initié qu’en 1878 après que Mac Mahon ait perdu les élections d’octobre 1877 (Histoire de la Franc-maçonnerie en Périgord, Fanlac, 1989 ).

A partir de ce moment, Eugène Le Roy écrit dans les journaux locaux, Le Réveil de la Dordogne notamment, des articles républicains et anticléricaux. Il suit en cela l’orientation politique et philosophique de la Franc-maçonnerie radicale de la fin du XIXe siècle qui orientera les gouvernements vers la Séparation des Églises et de l’État. Le Moulin du Frau, première œuvre romanesque d’Eugène Le Roy publiée en 1890, est une véritable leçon de radicalisme sous la IIIe République. Puis, il publie Traditions et Révolutions en Périgord pendant la seconde moitié du XIXe siècle.

De 1891 à 1901, Eugène Le Roy rédige un volumineux manuscrit (1086 pages) intitulé Études critiques sur le christianisme. Ce texte, déposé aux Archives Départementales de la Dordogne sous la cote J2222, est publié par les éditions de La Lauze à Périgueux en 2007. Les introductions de Guy Penaud, Richard Bordes et Jean Page détaillent de façon très précise la vie d’Eugène Le Roy, ses opinions politiques et son parcours maçonnique. Il s’agit d’un pamphlet anticlérical sans concession où Le Roy cherche à montrer que la collusion entre les pouvoirs temporel et spirituel est néfaste à une nation. Il tire de ce travail des conclusions sans appel :

« Ainsi on le voit, l’évangile n’a pas inventé une morale particulière ; il n’y a pas la morale de Jésus, celle de Cicéron, celle de Confucius etc., il y a une morale universelle, qui ne fait acception ni des temps, ni des lieux, ni des personnes, qui plane sereine et immuable sur les sectateurs de Jéhovah, de Jupiter, de Bouddha et du Christ. C’est à cette morale impersonnelle, produit spontané de la conscience humaine, morale formulée de temps immémorial par une foule d’hommes de bien, que l’évangile a emprunté ses plus beaux préceptes… » (Études critiques, p. 353).

La somme des ouvrages concernant l’histoire et la religion chrétiennes que Le Roy a consultés pour rédiger cet énorme travail est impressionnante : s’il se réfère continuellement à Voltaire, principalement au Dictionnaire philosophique, mais aussi aux Annales de l’Empire, il puise également chez Denis Diderot, Jean-Jacques Rousseau, Paul Henri Thiry d’Holbach, Proudhon, Ernest Renan, Louis De Potter (Histoire du christianisme et des Églises chrétiennes), Sauvestre, Paul Bert (La morale des Jésuites), Victor-Henri Debidour, Paul Parfait, Augustin Fabre, Mage et Alfred Loisy dont il a sans doute lu L’Évangile et l’Église publié en 1902 ; il cite également Pierre Leroux, franc-maçon de Limoges et père de la surprenante théorie du circulus qui a fait hurler de rire la Chambre des députés ; il a également travaillé sur Les origines de la France contemporaine, d’Hippolyte Taine et sur L’origine de tous les cultes de Charles-François Dupuis, ouvrage publié en 1822, sur L’Ancien Régime et la Révolution d’Alexis de Tocqueville (cité p. 573) ; mais il a lu aussi des auteurs catholiques, Bossuet, le Dictionnaire de Théologie de Nicolas-Sylvestre Bergier, le Traité sur l’apparition des esprits de Dom Calmet et bien d’autres ouvrages encore dont on soupçonne la présence au fil des pages, comme Brantôme ou la Nobla Leyczon vaudoise dont il cite quatre vers de mémoire, ou encore Les Huguenots : cent ans de persécution (1685-1789), de Charles Alfred de Janzé. Cet ouvrage montre sans conteste la vraie personnalité de Le Roy et son dégoût pour les injustices et les intolérances religieuses.

En 1896, il publie Mademoiselle de la Ralphie. Il y narre la déchéance d’une fille de la noblesse dévorée par la passion pendant la Monarchie de Juillet. En 1897, il publie Jacquou le croquant, qui raconte la révolte d’un petit paysan contre les injustices sociales de son temps, depuis la Restauration jusqu’à la fin du XIXe siècle.

En 1899, il publie Les gens d’Auberoque dont l’histoire se situe dans la bourgeoisie provinciale et affairiste sous le Second Empire et la Troisième République. En 1900, il publie La petite Nicette et le grand Milou, puis en 1902 L’Année Rustique en Périgord.

Eugène Le Roy prend sa retraite à Montignac. Il refuse en 1904 la Légion d’honneur qui lui est proposée. Il rédige encore Au pays des pierres.

Il décède en 1907, et inhumé civilement, Eugène Le Roy laisse un dernier ouvrage : Le Parpaillot, qui paraîtra six ans après son décès sous le titre de L’Ennemi de la Mort. Il laisse également inédit un pamphlet voltairien,  » La Damnation de saint Guynefort ” qui ne sera publié qu’en 1937.